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Entre deux pages...
16 octobre 2010

Sans titre 1

Pale_Reflection_by_DriftStudios


__C'est là qu'elle est apparue.
Elle était une goutte de lumière sur la paroi noire du couloir, une étincelle blanche qui attira soudain mon regard, et fit pâlir les néons de son éclat. Elle était postée, immobile face aux barreaux de ma cellule, le dos droit, les pieds nus.
C'était un petit visage fin sans âge, au nez aquilin, aux joues pâles. C'était deux lèvres claires et fines au dessin grave et parfait. C'était deux grands yeux noirs, denses, profonds. Pas un noir chaud et doux, mais ce noir d'abysse et d'infini, qui agrippe l'esprit et l'absorbe jusqu'au plus profond de l'impossible, jusqu'aux rebords d'une calme hystérie de beauté et de fascination. Elle avait ce regard paisible et froid, cette expression impassible et fixement plantée sur ses traits. De frêles épaules nues et immaculées étaient noyées sous le flot ébène de sa longue cheveulure. Sous une légère tunique, dont le blanc devenait abîmé et misérable sur la peau pure de celle qui la portait, poitaient deux petits seins fins et à la chair ferme; deux formes douces et délicates qui attiraient l'oeil et la main. Sous le tissus légèrement translucide, on devinait également une taille sublime, des hanches étroites et enfantines, des cuisses lisses et minces, ces courbes graciles à peine dissimulées, dessinant un équilibre et un charme indescriptibles. Le long de ce corps, frôlant doucement l'étoffe évanescente, de longs doigts fins à la peau pâle sous laquelle se devinaient des veines bleues, donnant à cet épiderme un éclat de nacre.
Je restai immobile, subjugé devant cette apparition, incapable même de me demander depuis combien de temps elle me fixait de ses iris profonds et graves. Je n'osais plus même fermer les paupières, ne serait-ce qu'un bref instant, de peur de voir disparaître ce qui était pour moi une divine illusion.
Elle s'avança. Elle s'approcha de moi dans un mouvement lent et gracieux, son regard toujours planté au coeur de mon âme. Tout avait disparu. Les murs noirs, les néons maladifs, la toile rugueuse, la poussière, le cri du silence, ils s'étaient tous effondrés, discrètement, solennellement, leur absence devenant alors plus évidente que ne le fut leur présence. Seuls les barreaux persistaient. Ils s'imposaient dans leur insolence, ils étaient l'obstacle entre elle et moi.
Elle, elle avançait toujours. Chacun de ses mouvements m'arrachait un soubresaut; elle m'avait rendu plus fragile encore que l'étoffe délicate qui ondulait sur l'opale de son corps.
Elle s'immobilisa. Elle était à quelques centimètres de l'acier noirci des barreaux. Je pouvais presque entendre son souffle gonfler ses poumons, se glisser en un sifflement vers moi et se briser sur le métal, tel une vague souple, sans remous et sans écume sur la grève.
Son regard s'intensifia. Il pénétra en moi, brisa le mur de ma conscience, massacra ce qu'il me restait de volonté, déchira ce qui avait dû être jadis ma raison. Je devais me lever, je devais m'approcher d'elle, de l'illusion qui me brûlait les yeux. Mes muscles maigres et engourdis durent trouver la force de porter ma carcasse jusqu'à elle, sans que je ne me brise.
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