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Entre deux pages...

17 novembre 2010

Sur le fil (suite)

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  La pluie. La pluie qui danse sur le macadam.

Elle aimait la pluie. Non pas l'exécrable sensation glacée et collante de l'eau s'insinuant jusque sous les vêtements, mais le spectacle délicat et violent d'une averse nocturne. Elle aimait admirer les astres s'écrasant sur le sol gris derrière sa fenêtre. Gouttelettes étincelantes sous l'éclat tiède d'un réverbère. Rien ne lui semblait plus magnifique que ce spectacle pluvieux accompagnant une mélodie.

Elle aimait, les soirs de pluie, s'installer contre le verre froid et humide de sa fenêtre. Appuyer machinalement sur un bouton de sa radio. Entamer l'écoute d'un morceau de musique. N'importe lequel. Chaque goutte, chaque onde semblait alors s'animer de vie, entamer une danse tribale, effreinée et mélancolique de courbes et de lumières. Le goudron devenu miroir se tordait au rythme de l'âme. Ainsi était sa manière d'apprécier la musique. Frôler l'absolu. Donner vie à l'abstrait.

Mais ce soir-là, la pluie l'avait surprise. Elle était assise sur son lit, le dos contre le mur blanc. Elle avait levé la tête. Et le ciel pleurait déjà. Elle ne bougea pas. Elle se contenta du silence, et de l'angle qui ne la laissait qu'apercevoir un fragment du faisceau violent d'un lampadaire, qui révélait l'eau traversant son sillage. Elle tordit machinalement une mèche rousse entre ses doigts. Elle soupira doucement.

Soudain, la musique.
Une note orpheline, étouffée par la distance, qui fendit l'air et lézarda les murs. La première note comme un fil ténu qui transperça l'atmosphère. Puis ses soeurs en cascade. Des mains qui couraient sur un piano.

Alors, la musique. Un air inconnu, comme dérobé à l'éternel.

Elle cessa de respirer un instant. Elle sentit le sang battre violemment sous chaque parcelle de sa peau blanche. Le regard toujours fixé au dehors dans une expression grave et fascinée, elle se leva machinalement de son lit. Elle avança pieds nus sur le parquet. Démarche lente et fébrile.
Elle ne connaissait pas cet air. Elle ne connaissait rien à la musique, en réalité. Mais elle avait le don de savoir l'écouter. Cette mélodie-là la traversait jusqu'à l'âme.

Elle se faufila, attentive, se posta à la droite de sa fenêtre, l'épaule contre le mur. Son coeur battait comme celui d'une voleuse. Elle n'osa pas faire face à l'extérieur, jeter un regard à la fenêtre d'en face, apercevoir le pianiste. Elle fixait avidement la pluie qui constellait la rue. Les yeux écarquillés. L'esprit tendu aux limites de l'insupportable pour dérober ce mince filet de son réfreiné par les murs. Immobile.
Elle glissa lentement une main frémissante contre le verre glacé. A tâtons, elle put entrouvrir un battant de la fenêtre.

Soudain, la musique. La musique et l'air froid qui s'engouffrèrent dans la pièce comme une délivrance.
Elle frissonna. Le vent humide et la mélodie glissèrent sur ses bras nus. Elle pivota doucement et se trouva dos au mur.Elle ferma les yeux.

Dieu, que c'est beau.
Jamais elle n'avait entendu un air sublimer la pluie à ce point. Quelques instants de contemplation avaient suffit. Elle les laissait résonner sous ses paupières closes.
Le jeu n'était pas parfait. Mais il avait le charme que confère une main encore jeune et émue. La musique comme un langage et non une performance. Et ce chant dérobé à l'instant par des oreilles intruses.
Son coeur battait comme celui d'une voleuse.

Soudain, le silence.
La musique évanouie. Elle ouvrit les yeux comme dans un sursaut. Elle se précipita à sa fenêtre, l'ouvrit dans un élan et se pencha au dehors. Le voir. Juste l'apercevoir. Connaître son visage. Mais elle ne put pas même discerner une ombre derrière les rideaux clos. Elle se réfugia de nouveau dans la tiédeur de sa chambre, ferma lentement ses volets.
Des mèches imbibées rampaient le long de son front.

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25 octobre 2010

Sur le fil (début)

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   Ses boucles contre la vitre. Des boucles pour accrocher le coeur.

Un écrin d'ocre vaporeux autour de sa peau claire. Son visage, lové au creux de cette nuée enflammée, reposant contre le verre de la fenêtre. Ses yeux clos. Ses paupières blanches, constellées de tâches de rousseur, rabattues dans une expression à la fois détendue et figée. Son cou, gracile et nu jusqu'aux épaules. Ses épaules, minces, rythmiquement soulevées par son souffle lent. Son souffle, secouant régulièrement une fine mèche rousse dans une danse fébrile.

Il s'était arrêté dans son mouvement. Comme frappé par une foudre invisible. Il la regardait, dans un état de contemplation persistante, proche de l'hypnose, cette admiration violente et immobile dans laquelle l'âme humaine se laisse volontiers glisser. Une chute de l'esprit vers un inconnu dangereusement plaisant, une pause dans la réalité.

Il admirait la jeune fille rousse, son corps endormi contre le rebord de la fenêtre d'en face, son visage caressé par l'aurore. Il s'approcha lentement de la vitre, se mit à fixer d'un oeil fasciné et avide chaque détail de ce tableau évanescent. Jamais il n'avait particulièrement remarqué la présence même de sa voisine avant de la voir ainsi, inconsciente, offerte dans un sommeil sans rêve à son regard. Sans doute l'avait-il déjà aperçue, furtivement, fermant ses rideaux le soir ou traversant une pièce. Sans doute l'avait-il déjà vue sans même la regarder. Cohabitation aveugle des corps.

Elle était pourtant peu commune. Une longue chevelure flamboyante aux boucles volumineuses se déversait sur ses joues et ses épaules. Aux creux de ces ondulations enflammées se noyait la lumière. Les tâches de rousseur s'éparpillaient sur sa peau. Son visage était grave mais empreint de candeur. Dans l'absolu, elle n'était pas belle. Elle ne possédait pas cette beauté moderne aux lignes délicates et froides qu'adule la population, l'oeil ne trouvait pas dans ses traits la satisfaction immédiate que procure la perfection, cette beauté qui attire le regard mais ne le retient pas. Ses yeux étaient petits, soulignés de cernes bleutées, et même fermés, on pouvait deviner leur légère disymétrie. Ses joues étaient pleines, légèrement rosées, ses lèvres, pâles, peu charnues. Une très discrète et fine cicatrice les traversait, les rendant légèrement irrégulières. Ses sourcils étaient longs et très fournis, leur épaisseur marquaient sur son visage l'impression sauvage qui la caractérisait. C'était donc cela. Sa beauté était sauvage, frôlait la perfection sans la toucher, elle était faite de ces détails qui dérangent l'oeil et l'enferment dans une contemplation dont il ne peut se défaire avant d'y avoir trouvé satisfaction. Le Charme.

La cicatrice sur ses lèvres entrouvertes. Il se mit à la fixer. Elle l'obsédait particulièrement. Cette ligne blanchâtre, si fine qu'il parvenait à peine à la discerner, qu'il n'était même pas certain de son existence réelle. Comme un accent sur cette bouche fine, qui insufflait une envie irrépressible de la caresser du bout des doigts, d'y déposer délicatement ses propres lèvres.

Quel âge pouvait-elle bien avoir? Elle était jeune, à peine plus jeune que lui. Il était difficile de juger. Ses traits impassibles semblaient témoigner du calme de l'âge, mais les courbes de son corps n'étaient qu'esquissées. Sa taille était fine, ses hanches, à peine marquées, ses cuisses semblaient particulièrement minces. Sous un simple caraco blanc, il devinait une poitrine timide et nue, frôlée par le vêtement qui en laissait entrevoir la naissance. Il ne put s'empêcher de s'imaginer un bref instant poser la main sur ce sein ferme. En savourer la tiédeur à travers le tissu. Sentir le pouls sous la peau de la jeune fille. Il se surprit à toucher la vitre toute proche de lui. Glacée. Comme frappé par la froideur du verre, il se sentit aussitôt envahi par un sentiment de culpabilité. Il retira vivement sa main, détourna son regard un instant. Elle dormait. Il lui volait un instant de vie. Il venait de réaliser la position de force que lui conférait sa conscience. Le sommeil de la jeune fille prit une dimension si intime qu'il en devint une source de gêne intense.

Il la regarda de nouveau. Il se concentra sur ses mains. Ses poignets, fins. L'os en était saillant, cela les rendait particulièrement gracieux. Ses mains, très blanches et très fines, sous la peau desquelles se dessinaient subtilement mais nettement chaque articulation. Elles étaient déposées sur ses cuisses, entrecroisées, comme si la jeune fille s'était endormie en prière.

Subitement, ces mains furent parcourues d'un soubresaut. La jeune endormie, qui n'était jusque là que lentement bercée par son souffle, s'était mise à bouger. Il sursauta, détourna les yeux et s'éloigna instinctivement de la fenêtre, comme un animal sauvage effrayé. Sans oser lancer un regard à la jeune fille, de peur qu'elle ne fût éveillée, il sortit de la pièce à pas rapides et fébriles, les joues brûlantes d'un plaisir honteux.

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25 octobre 2010

Sur le fil (Présentation)

red image by Basistka

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Enfin, après des mois de silence (ma muse s'étant fait la malle) j'ai repris l'écriture! J'ai dû légèrement me forcer la main pour réussir à trouver une idée de texte, mais finalement ma persévérance a payé. Cela faisait longtemps!

Je reviens donc en force avec le début un petit texte encore en cours de création. Encore une fois il reprend mes thèmes habituels, c'est à dire une femme, un homme, une fascination. Mais cette fois, je me suis lancée deux défis: le premier, narratif. Il s'agissait de faire naître un amour entre deux personnages qui ne se connaissent pas et ne communiquent pas, ce qui a donné deux jeunes personnes qui ne se voient que par le biais de leur fenêtre respective, chacun regardant l'autre sans savoir qu'il est lui-même regardé. Le champ d'action de l'histoire sera donc réduit à cette seule ouverture entre les deux personnages qu'est la fenêtre. Le deuxième défi relève cette fois de l'écriture: j'ai décidé d'écrire toute cette histoire à la troisième personne du singulier sans jamais citer de nom pour aucun des deux personnages, et en évitant le plus possible des tournures comme "celui-ci" ou "ce dernier", qui me paraissent souvent fort maladroites. Cet exercice est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît, et sans doute que certains de mes "il" ou "elle" sont faux, mais j'ai tenté d'écrire de sorte à ce que la lecture et la compréhension soit fluide et instinctive.

Juste en passant, le début de ce texte peut être rapproché avec le livre "Les Belles Endormies" de Yasunari Kawabata (l'écriture japonaise est spéciale, mais assez forte tout en étant délicate, cela vaut le détour), racontant une maison étrange où des vieillards payent pour passer la nuit aux côtés d'une jeune fille endormie par un somnifère puissant. Le personnage principal relate longuement les contemplations des différentes jeunes filles auprès desquelles il dort dans cette maison. Le hasard a fait que je me suis plongée dans la lecture de ce livre au moment où j'ai commencé à ébaucher mon texte sans faire aucun rapprochement entre les deux, ce n'est qu'après coup que je m'en suis rendue compte.

L'histoire est pour l'instant illustrée par des images de panijeziora (eh oui, un dessin pour changer... J'ai longtemps recherché des images, et je suis tombée amoureuse de cette aquarelle!), puis une sublime photo de Sugarock99 (une photographe absolument ahurissante, allez voir son travail, c'est magnifique). Il a été très très difficile de faire un choix parmis les nombreuses images qui ont retenu mon attention, alors je ne peux résister à l'envie de vous inviter vivement à parcourir cette galerie en attendant que je finisse l'écriture de mon texte et donc le choix définitif des images l'illustrant.

Enfin, la musique étant une de mes principales inspirations pour ce texte, elle coule de source: du Yann Tiersen! Et plus particulièrement "Sur le fil" (oui, c'est bien le titre de mon histoire). J'ai eu un coup de coeur pour les deux versions de cette mélodie que j'ai pu entendre (une au violon et l'autre au piano) aux ambiances somme toute très différentes! Je ne saurais vous recommander l'une par rapport à l'autre, bien que je dois avouer avoir une très légère préférence pour le violon par rapport à ce texte, car cette version est selon moi plus intense, plus haletante que la version piano, qui est plus mélancolique et calme. Mais le défaut de la version violon est le fait qu'elle soit fort courte, et une musique qui s'arrête en plein milieu de lecture est fort frustrant... Je vous laisse au passage un morceau du même genre que j'apprécie. (Attention, faites ctrl+clic sur les liens pour les ouvrir dans un nouvel onglet)

Sur le fil (piano) - Yann Tiersen (<== La version qui correspond "vraiment" au texte)

Sur le fil (violon) - Yann Tiersen (<== A écouter absolument, ne serait-ce que pour la virtuosité du jeu!)

The heart asks pleasure first - Michael Nyman

!!! Enjoy !!!

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16 octobre 2010

Jeux de maux (Précision)

Starry_Night_by_pinkparis1233

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Eh oui je suis décidément d'humeur bavarde, j'ai encore des choses à dire! =)
En fait je voudrais simplement faire une précision, que je n'ai pas mise dans la description du texte, ne voulant pas vous spoiler.
Je tenais simplement à préciser que ce texte relève bien entendu purement du domaine de la fiction, et qu'il ne signifie en aucun cas que je cautionne le twincest ou toute autre forme d'inceste. Ce n'est qu'une histoire.
Voilà, c'est tout. J'en profite simplement pour vous laisser une belle image de pinkparis1233 ainsi que quelques morceaux en vrac!

Devil's Trill (Vanessa Mae)

Water (Elitsa & Stoyan)

Chouwa Oto (Kokia) <== Ma chanson préférée

Our solemn hour (Within Temptation) <== Mon groupe préféré (un peu de métal tout de même! Faut pas déconner non plus! =D)

Living dead girl (Rob Zombie) <== Attention, non-amateurs de musiques métal un peu aggressives s'abstenir.

Lacrimosa (Kuroshitsuji) <== Un gros coup de coeur tout juste découvert


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16 octobre 2010

Jeux de maux (Fin)

Embrace_by_fhrankee


_ Le soleil est pâle ce matin. Presque aussi pâle que toi. Tu es assise dans la cuisine, tu as à peine touché à ton petit déjeuner, et tu es restée aussi silencieuse qu'à ton habitude.
Cette nuit tu as dormi seule. Tu n'as pas désobéi, tu n'as jamais désobéi. Comme chaque nuit, tu as guetté le son de sa respiration, tu t'es recroquevillée au creux du noir, comme chaque nuit, tu as longuement tendu le bras dans l'espoir de le frôler, de l'atteindre. Mais cette nuit, tu t'es heurtée à lui, qui tentait également de te toucher. Il a saisi ta petite main froide. Il ne l'a pas lâchée, jusqu'à ce que le jour frappe à la fenêtre. Vous vous êtes endormis ainsi, main dans la main. Comme des enfants.
Tu l'aperçois dans l'entrée. Il est prêt à partir, il traîne sa valise noire et vos parents derrière lui. Ton père et ta mère lui dise longuement au revoir.
"Et ne sors pas trop tard le soir, hein! Tu es un étudiant, tu dois travailler sérieusement et bien te reposer! Et les rues de Paris ne sont pas sûres!"
Mais il ne les entend plus. Tu le sais. Il te lance de furtifs regards, il t'esquisse un sourire.
"Tu nous appelleras souvent hein? On veut des nouvelles! Et si t'as besoin d'argent n'hésites pas, il faut nous le dire!"
Tu te lèves lentement et tu t'avances vers lui. Tu es encore en chemise de nuit. Le chemin te paraît interminable.
"Et dans le train, assieds-toi plutôt à côté d'une issue de secours, c'est plus sûr."
Il te serre dans ses bras. Tu ne pleureras pas. Vous ne vous dites rien. Il passe une main dans tes cheveux, dépose un léger baiser sur ta joue.
Puis il s'en va. Silhouette noircie par les rayons matinaux. Il s'éloigne. Il ne se retournera pas, tu le sais.
Tu le regardes. Tu redoutes le moment où tu ne le verras plus.

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16 octobre 2010

Jeux de maux (suite)

Embrace_by_solipstik


_ Tu es soudain prise d'un désir - d'un besoin - de les synchroniser, de n'entendre plus qu'un seul et unique souffle pour vous deux. Tu ne sais quelle pulsion te prend, mais tu ne peux la réprimer. Tu enroules les bras autour de son cou, tu colles tes lèvres sur les siennes. Il sursaute. Son premier réflexe est de tenter de t'éloigner, mais, très vite, tu sens ses bras enlacer ta taille, il répond à ton baiser. Tu frémis. Il te serre contre lui, fort, si fort que tu as l'impression qu'à tout moment tes vertèbres vont se briser.
Il éloigne lentement son visage du tien, mais tu es toujours dans son étreinte. Tu te sens à la fois fragile et en sécurité. Il glisse ses mains dans ton cou et passe doucement ses lèvres sur tes joues. Il sèche tes larmes. Tu sens ses paumes brûlantes sur ta peau glacée. Il t'embrasse de nouveau. Le cours des choses te dépasse, tu ne te contrôles plus, tu ne parviens plus à penser. L'irrésistible envie de ne former avec lui qu'un seul et même être est la seule chose qui t'anime. Et tu sais qu'il en est de même pour ton jumeau.
Vous vous relevez lentement. Il ne s'éloigne pas de toi, son regard ne te quitte pas un instant. Il te guide jusqu'au lit, tu t'y assieds. Lui, près de toi. Il t'embrasse, tu passes ta main dans ses cheveux, il te parcourt de caresses. Ton visage, ton cou, tes épaules, ton dos, ta taille, tes hanches, tes cuisses. Il te semble découvrir à cet instant que ton corps est celui d'une femme, non plus celui d'une enfant. Il dépose délicatement sa main sur ta nuque, tu le laisse t'étendre sur le lit. Il se penche sur toi, dépose de furtifs baisers dans ton cou. Tu sens la chaleur de son corps tout près du tien, et à cet instant, le contact des vêtements qui te séparent encore de lui te devient insupportable. Il lit dans tes pensées. Ses doigts se faufilent, il défont boutons, noeuds et fermetures. Le tissu glisse sur toi comme de l'eau sur du marbre. Ton frère se libère lui aussi de ses vêtements. Tu voudrais serrer contre lui chaque parcelle de ta peau nue, si fragile et si froide. La sienne est brûlante. Tu l'enlaces. Coeur contre coeur. Tu sens peu à peu vos deux pouls s'accorder, cela te procure une immense joie mêlée de tourment.
Ses mains et ses lèvres sèment sur ton corps des caresses, de douces brûlures. Bientôt dans votre étreinte, tu es si proche contre lui que tu ne saurais plus même distinguer vos deux êtres. Tu le serres contre toi, il te serre contre lui, dans un mouvement de plus en plus fort et fébrile, comme cherchant une fusion entre vous. Il arrive un moment où le contact ne te suffit plus. Tu voudrais qu'il soit en toi, qu'il soit toi. Le seul moyen de fusionner, n'être plus deux, mais un seul et unique corps. Une réelle symbiose.
Vous avez toujours voulu les même choses en même temps.

Tu voudrais que le temps s'arrête. Pour toujours.

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16 octobre 2010

Jeux de maux (suite)

Symbiosis_by_drefeyja


_ La peine. La honte. La honte de ne plus pouvoir lutter contre tes pleurs. Ce qui les rend plus virulents encore. Ton être tout entier, si fragile, est secoué de spasmes. Tu voudrais y échapper, parvenir au plus vite à taire cette soudaine effusion larmoyante, mais plusieurs années de retenue et de tourmente silencieuse brisent ta raison et t'écrasent sous leur poids. Tu ne peux bientôt t'empêcher d'expirer un gémissement de douleur. Il te semble mener un combat intérieur depuis une éternité déjà, alors qu'en réalité tu n'as pas dû pleurer plus d'une seconde, et ton frère s'est déjà précipité et agenouillé face à toi, affolé. Il caresse tes joues, tente d'essuyer tes larmes et d'écarter tes cheveux de ton visage.
"Non! Vous ne pouvez plus dormir dans le même lit, enfin! Vous n'êtes plus des enfants! Ca ne se fait pas, tu comprends?"
Il essaie de te calmer, te parle, te demande ce que tu as. Mais à cet instant tu ne l'entend presque plus.
"Allez, regarde, maintenant tu auras ton lit à toi toute seule, c'est mieux, non? Tu auras plus de place!"
Ses mains puissantes attrapent tes épaules et tentent de bloquer les convulsions qui secouent ton corps. Il ne cesse de te parler, chaque instant plus fort, d'appeler ton nom, de vouloir t'arracher ne serait-ce qu'un mot.
"C'est ridicule enfin, ton frère ne peut pas garder les cheveux longs! Vous n'allez pas garder la même coupe et les mêmes vêtements toute votre vie! Il faut grandir maintenant!"
Il est inquiet. Inquiet pour toi. Tu l'entend dans les tremblements de sa voix. Mais tu n'oses pas le regarder dans les yeux. Tu as peur d'y lire l'incompréhension. Oui, peur de voir que ton frère ne peut plus même te comprendre, comprendre la tristesse qui t'anime.
"Le dossier de ton frère a été accepté dans l'école qu'il voulait! Il va aller étudier à Paris! C'est super, non? Tu peux être fière de lui!"
Un cri. Un cri qui parvient à traverser le mur de tes larmes, un cri qui te frappe résonne en toi comme un coup de tonnerre. Il vient de crier ton nom, une ultime fois. Il a fermement saisi ton visage, l'a relevé vers lui, a planté son regard dans le tien. Le temps semble alors se suspendre. Tu vois. Tu comprends. Tu es si bouleversée que tu ne parviens plus même à pleurer.
Tu vois dans ses yeux le parfait reflet des tiens. La peur, la tristesse, les nuits froides et noires de solitude, le vide de l'éloignement. Tout ce qui te tourmente, tu le lis dans son regard. Et tu ne sais plus alors choisir entre le soulagement de retrouver ton reflet, de voir que, tout ce temps, ton frère ressentait la même chose que toi, ou le désespoir de ne l'avoir jamais remarqué, d'avoir été assez retranchée dans la hantise de votre séparation pour l'avoir provoquée. Tu ne sais si tu dois te sentir renaître ou te briser.
Il est essoufflé, autant que toi, il ne dit rien. Tu trembles. Il caresse doucement tes cheveux, il tente de t'apaiser. Tes yeux sont toujours fixement plantés dans les siens. Le fluide épais du silence a envahi la pièce, et n'est perturbé que par vos respirations.

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16 octobre 2010

Jeux de maux

Fragile_II_by_Iza87


_ Tu le regardes, tu ne te vois plus.
C'est ton plus grand désarroi, ce temps qui par son oeuvre a brisé ton miroir. T'a brisée. Il t'a arraché une partie de toi.
Enfants, vous étiez le parfait reflet l'un de l'autre. Vos cheveux et vos coeurs s'emmêlaient sans que rien ne pût en défaire les liens. Tu étais sa raison, il était ta force, la quasi perfection de votre complémentarité faisait de vous un seul et même être, respirant l'affection et l'équilibre. Vos corps et vos âmes étaient si semblables qu'il te connaissait mieux que tu ne te connaissais toi-même, et que ton être se fondait entièrement en lui. Ton frère. Ton jumeau. Toi.
Mais peu à peu, le temps a déchiré cette symbiose. Tu l'as vu déformer vos corps, tu as vu ton reflet se tordre et ton esprit s'éloigner du sien, à ton plus immense désespoir. Tu as vu la vie vous interdire de dormir dans le même lit, tu t'es vue obligée d'apprendre à exister seule. Seule. Et creuse. Rongée jusqu'à l'os par un vide glacial, un mélange grinçant de silence et de peur. Tu ne comptes plus ces longues nuits passées à chercher sa présence au coeur du noir, où chaque souffle sans sentir le sien dans ton cou était une douloureuse brûlure. Tu ne comptes plus le nombre de fois où, aveugle, tu as tendu ton bras et tenté de frôler sa main. Tu ne comptes plus même le temps passé à le regarder, guettant dans ses yeux les éclats de votre enfance. Chaque jour un peu plus vainement.
A force de le regarder, tu n'as pas vu défiler les années. Et très vite est venu pour lui le temps de quitter la maison pour ses études. Le coup ultime porté à ton âme et au lien si fragile qui vous unit encore à votre symbiose passée. Il prend son train demain. Assise dans un coin de la chambre, tu l'observes faire sa valise comme on regarde venir la mort. Tu vois dans chacun de ses mouvements l'ombre de cette dernière nuit que vous passerez dans la même chambre, où comme chaque nuit, tu tenteras de le frôler sans pourtant oser t'approcher de son lit, où tu guetteras le bruit de sa respiration comme une source de lumière dans le noir, tremblante. Chaque instant te frappe et rend plus lourd à ton coeur l'atroce fantôme de votre séparation.
Tes larmes. Tu les as toujours retenues, mais le voyant une fois de plus te tourner le dos pour ranger une chemise, tu ne peux réprimer leur assaut brûlant. Ton corps frêle, d'ordinaire si calme et immobile, semble alors imploser, laissant violemment mais silencieusement jaillir tes sanglots.
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16 octobre 2010

Jeux de maux (Présentation)

Embrace_by_Coma7053 Image by Coma7053

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At last!
Encore une longue absence de ma part, dont je m'excuse (bon, ce n'est pas comme si j'avais de fidèles lecteurs qui me suivaient avidement, mais on fait tout comme).
Je vous propose un petit texte, dans la lignée des "sans titres", mais qui cette fois en a un (de titre). Il est assez court au final, mais il m'aura fallu mine de rien plus d'un mois pour l'écrire! Il faut dire qu'il me tient assez à coeur, et c'est pour moi une chute libre sans filet dans de nombreux domaines. Attention, ce texte introductif va être un véritable pavé, j'ai énormément de choses à dire!
Cette petite histoire regroupe globalement deux "envies d'écriture": traiter du sujet des jumeaux premièrement, et puis m'essayer à l'écriture d'une scène "érotique" (oui, entre guillemets). Ces deux envies germaient dans ma tête de manière dissociée, et elles ont fini par se rejoindre par un pur hasard que je ne développerai pas ici. Bien entendu j'ai longuement hésité avant de me décider, mais à partir du moment où j'ai été lancée sur cette idée, l'histoire s'est écrite d'elle-même dans ma tête, je ne pouvais pas la rejeter.
Je suis moi-même l'aînée d'une fratrie, et en écrivant ce texte, j'ai beaucoup pensé à ce fantasme, que je pense universel, d'avoir un jumeau, une personne semblable à moi-même, capable par un miracle inexpliqué de comprendre les moindres recoins de mon être. C'est une idée qui a bien dû tous nous traverser au moins une fois, non? Eh bien j'ai utilisé dans ce texte un peu du ressenti que j'avais sur la chose.
Et puis pour la scène érotique... Je n'ai pas envie de vous spoiler, mais je vais me limiter à dire que c'était une simple envie de m'y essayer. Mais attention, j'espère que personne ne verra jamais rien de pervers là-dedans, j'ai écrit ceci dans une certaine recherche de sensualité et de poésie. Si vous vous êtes déjà essayé à l'écriture, vous savez alors sans doute les sensations très spéciales que donnent différentes scènes à être écrites. J'essaie d'explorer ces sensations, qui ne se retrouvent pour moi d'aucune autre manière.
Une autre nouveauté pour moi: l'écriture à la deuxième personne du singulier ("tu"). Depuis la lecture du livre "Lambeaux" de Charles Juliet (que je ne saurais trop vous conseiller, il est sublime!), j'étais obsédée par l'envie d'écrire "tu". Je me suis même blâmée de ne pas avoir eu l'idée plus tôt, tellement je trouvais cela beau, et incroyablement naturel. Je m'y suis donc essayée, et cela s'est avéré très agréable à écrire (mais pas autant qu'à lire, je trouve), mais surtout, cela m'a faite me sentir incroyablement plus proche de mon personnage, et cela a exacerbé certains traits de mon style (notamment les phrases saccadées et très courtes, dont j'ai un peu peur d'avoir abusé). Et avec cette personne et cette proximité avec mon personnage, je me suis mise naturellement et très aisément à incarner une fille. Ouf, je suis soulagée, je ne suis pas un garçon manqué! =) (quoique... "incarner" ne me paraît pas le mot juste, sachant qu'en écrivant je ne fais pas comme si j'étais mon personnage).
Et pour ce qui est du titre, "Jeux de maux"... Il m'est venu en tête indépendamment de l'histoire, et j'ai eu envie de le poser dessus. Ce texte est emprunt de douleur, il m'évoque beaucoup le monde de l'enfance (d'où les jeux), et surtout la confrontation entre cette enfance et le monde des adultes (les maux). Et puis aussi tout simplement parce que j'aime beaucoup ça... Les jeux de mots! =)
Pour illustrer tout cela... J'ai eu un mal fou à me décider! En cherchant des images sur Deviantart je suis tombée amoureuse de beaucoup d'oeuvres, faire un choix est parfois un déchirement (bon j'arrête mon envolée tragique). J'ai choisi le travail de Iza87 (si fragile, magnifique et délicat), puis celui de drefeyja (j'aime le concept!), celui de solipstick (si vous distinguez mal, ce sont des mains...), et enfin celui de fhrankee (ah, un coup de foudre).
Pour la musique, je suis très indécise, mais je reste très axée sur le monde de l'enfance: je ne vois que des morceaux comportant des parties de boîte à musique, un univers à la fois naïf et tourmenté, limite angoissant. Ce sera donc sans hésitation l'univers d'un groupe que j'ai découvert tout récemment, et qui est aussi un coup de coeur: Nox Arcana. Je vous laisse aussi au passage la chanson "I walk alone" de Tarja Turunen, qui possède à la fois l'ambiance que j'affectionne, et un sens dans certaines paroles qui me semble vraiment coller à mon personnage (un message d'impuissance, de solitude).
Voili voilou, désolée pour mon pavé, mais j'avais beaucoup de choses à dire!

Labyrinth on dreams (Nox Arcana)

Lullaby (Nox Arcana)

I walk alone

!!! Enjoy !!!


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16 octobre 2010

Aux larmes, citoyens

Pain_I_by_cren

Allons, esclaves de la patrie,
Le jour des larmes est arrivé.
Prisonniers de la tyrannie
D'un combat sanglant sans pitié.
Entendez-vous dans nos campagnes
Surgir les drames et les trépas
Rampant jusqu'entre nos bras
Et tuant nos filles, nos compagnes?

Aux larmes, citoyens!
Formons nos bataillons!
Pleurons, pleurons,
Que nos sanglots
Effacent les sillons.

Que tu es cruelle, ô patrie,
Toi qui animes notre douleur.
Liberté, liberté chérie,
Tu n'as plus guère de défenseur
Sous nos drapeaux git la victoire,
Laissant morts tous ses amants,
Et tous ses amis expirant
Sans plus guère de triomphe ni de gloire.

Aux larmes, citoyens,
Laissons nos bataillons,
Mourrons, mourrons,
Que notre sang
Rougisse les sillons.

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